Manar Jibrin - IMEMC & Agences - Vendredi 20 janvier 2006
http://www.imemc.org/content/view/16208/1/
Des centaines de milliers de dollars ont déjà été versés par les acheteurs en vue de ce projet de construction dont la première tranche doit être achevée en octobre 2007. Il s’agira de 400 luxueux et vastes logements en face de la vieille ville avec, entre autres, un hôtel 5 étoiles, un centre commercial, un club de loisirs et des synagogues. Le tout afin répondre aux besoins d’une communauté juive orthodoxe moderne et cosmopolite vivant en ’circuit fermé’.
Ces appartements se bâtissent sur des terrains palestiniens et leurs propriétaires ont saisi la Cour suprême israélienne dans un ultime effort en vue de stopper ce projet et ses conséquences politiques. Ne tenant aucun compte de cela, les entrepreneurs israéliens ont réussi à convaincre ces acheteurs fortunés de s’implanter en achetant des logements avec vue panoramique sur la cité objet de tant de querelles et plus particulièrement sur le quartier de la mosquée Al Aqsa.
La construction de Nof Zion a déjà commencé. Située sur une colline, elle bordera sur deux versants le quartier palestinien de Jabal Al Mukkaber atteignant ainsi le but principal de cette opération : augmenter les implantations israéliennes dans Jérusalem.
Yehuda Levi, directeur général et l’un des propriétaires de Digital Investments and Holdings LTD, société côtée en bourse et à l’origine du projet, déclare qu’il n’y aucun arrière pensée politique derrière tout cela, ni chez les acheteurs, ni chez les maîtres d’oeuvre : « Les acquéreurs veulent simplement un habitat moderne et spacieux avec vue magnifique sur la vieille ville et le désert de Judée. Ils sont venus sur place voir ce qu’ils achetaient en dehors de toute considération politique ».
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D’après Mohammad Gbara, représentant légal des habitants de Jabal Al Mukkaber, les acquéreurs étrangers ne se rendent pas compte que leur appartement de rêve se situera « au coeur » d’une ville arabe : « La publicité fait de Nof Zion un jardin d’Eden où une deuxième Rehavia [1], mais sans dire qu’elle est située dans Jerusalem-Est ». Voir carte ci-dessous
De sources israéliennes, on apprend qu’un tiers des 91 appartements de la première tranche a été vendu à des juifs étrangers, à des prix allant de 350 000 à 560 000 dollars. « Presque tous nos acheteurs sont venus sur le terrain », indique Levi. « Les gens n’achètent pas d’appartements sur internet ».
Mais certaines agences immobilières prétendent que les acheteurs étrangers ne sont pas vraiment conscients des problèmes politiques, et investissent dans un projet dont ils ignorent bien des aspects.
« On les trompe à 100% », dit Levi. « Cette opération n’a qu’un seul but : faire de l’argent en profitant de la mode américaine actuelle incitant les gens à devenir propriétaires en Israël. Ils ne comprennent pas les enjeux politiques de leur investissement. Ils arrivent, voient le cadre fabuleux, on leur dit que les Arabes sont contents, et ils achètent. Pour eux, c’est comme acheter à Talbieh [2], mais moins cher. Le problème c’est que Nof Zion est présentée comme un projet tout à fait ordinaire ».
La colonie s’étendra sur quelques 115 dunnums appartenant à des Palestiniens de Jabbal al Mukkabber expropriés par la municipalité de Jérusalem.
« Personne ne se réjouit », déclare Hasan Zehayka, épicier près de Nof Zion « On nous dit que la distribution d’eau et les canalisations seront améliorées mais j’en doute. Si amélioration il y a, ce sera au bénéfice des seuls juifs ».
Mahmoud Bedat renchérit : « C’est comme implanter un village arabe au coeur même de Rishon Letzion » [3]. Bedat, habitant de Jabal Al Mukkaber depuis des années ajoute : « Le réseau routier sera bien meilleur dit-on mais à quoi bon si nos enfants n’ont plus de lieu où vivre ? ».
Les projets tels que Nof Zion s’inscrivent dans le boom immobilier en cours à Jérusalem, alimenté par les Israéliens de l’étranger désirant investir dans l’économie israélienne tout en y gagnant une résidence secondaire.
Dans certains cas, les prix ont augmenté de 40% dans le centre-ville, comme à Talbieh, Rehavia, Qatamon, la German Colony et Baqa, forçant nombre d’Israéliens à s’excentrer vers des quartiers moins onéreux. A Talbieh, par exemple, le mètre carré atteint 10 000 dollars contre 3000 environ à Nof Zion.
Il a été dit aux investisseurs étrangers que les Isréaliens achèteraient les étages inférieurs à moindre coût, laissant à la clientèle américaine la vue à couper le souffle sur la vieille ville.
« Nous essayons d’équilibrer la répartition entre Israéliens et étrangers », déclare Simkowitz, agent immobilier anglo-saxon. « Il est vital à nos yeux que Nof Zion ne devienne pas une ville fantôme ».